La nouvelle Maison diocésaine des chrétiens de Gironde a été mise sous le patronage d’un de ses fils mort martyr en Corée et dont nous avons célébré le 150ème anniversaire le 21 septembre 2016 : Saint Louis Beaulieu. Il fut séminariste du diocèse de Bordeaux avant de partir aux Missions Etrangères de Paris. C’est à cette date anniversaire que fut réouverte cette maison si ancienne et si nouvelle.
Le 6 Mai 1984, à Séoul, capitale de la Corée du Sud, le Pape Jean-Paul II a déclaré « Saint » un enfant de Langon, Louis Bernard Beaulieu, mort en Corée, le 8 Mars 1866. Il avait 25 ans ! Mais qui est Louis BEAULIEU ?
Louis Beaulieu naît à Langon, le 8 octobre 1840, au 5 de la rue Laffargue, alors rue du port. Il ne connaîtra pas son père, mort avant sa naissance. C’est sa jeune maman de 19 ans qui élèvera son fils de santé délicate, tout en continuant son petit commerce de fourniture pour routiers.
Louis entre au Grand Séminaire, en 1857.
Il y rencontre de nombreux missionnaires, et sera passionné par leurs récits. Louis est plutôt d’un tempérament calme. Mais ses lettres et la ténacité qu’il montrera pour partir en mission révèlent une forte volonté. Il a écrit dans une lettre : « Aimons Dieu à la folie, et nous serons sages. »
Pour pouvoir partir aux missions Étrangères de Paris, il faut l’autorisation de l’archevêque de Bordeaux, Mgr Donnet. Louis devra revenir quatre fois à la charge ! Il est ordonné prêtre à Paris, le 21 mai1864. Le 15 juillet de la même année, il s’embarque à Marseille pour la Corée, avec trois autres missionnaires…Voyage long et pénible, par Alexandrie, Ceylan, Saigon… 10 mois de navigation ! Ils arrivent en Corée le 27 Mai 1865. Pays grand comme la moitié de la France ; longue péninsule accrochée au continent asiatique, avec des hivers très froids. Les Coréens forment un peuple homogène, issu de diverses tribus nomades. Leur culture est marquée par les grands courants religieux du Bouddhisme et du Confucianisme. Sur le plan politique, quand Louis débarque en Corée, c’est une monarchie absolue. C’est aussi un pays très fermé : jalouse de ses frontières, la Corée interdit, sous peine de mort, l’accès de son territoire aux étrangers.
L’Église de Corée a ceci de particulier qu’elle a été fondée par des laïcs. Vers la fin du XVIII° siècle, des lettrés coréens, en recherche de la vérité, tombent sur des livres chrétiens, en particulier une Bible et un livre du célèbre missionnaire en Chine, le Jésuite Italien Matteo Ricci. Ils sont immédiatement séduits par la doctrine chrétienne et la vérité qui s’en dégage ; ils y adhèrent du fond de leur cœur. Apprenant qu’il y a en Chine des prêtres catholiques, ils parviennent à leur envoyer un des leurs, Yi Seung-houn.
Ce messager se fait instruire de la foi chrétienne par les Jésuites de Pékin et reçoit le baptême. De retour en Corée, à l’automne 1784, après avoir avec ses compagnons étudié les documents et l’approfondissement de la « science occidentale », persuadés qu’ils ont trouvé le moyen de vénérer dignement le Maître du Ciel et de pratiquer ses commandements, ils demandent le baptême à Yi Seung-houn. Le groupe d’étude se transforme ainsi en communauté de frères pour prier, étudier et annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus Christ. L’Église est ainsi née dans ce pays d’une manière peu ordinaire, par l’intermédiaire de Coréens désirant sauver le peuple.
Elle subit dès le début, tracasseries et persécutions de la part du pouvoir et connaît déjà des martyrs. Ce n’est qu’en 1794 qu’un prêtre chinois, le Père Chu, parvient à se rendre en Corée. Il sera vite repéré et exécuté. A la suite d’appels répétés au Pape, le premier missionnaire européen pénétrera dans le pays clandestinement, en 1836.
Louis Beaulieu se joint aux autres missionnaires ; son évêque, Mgr Berneux, l’envoie dans un district montagneux au Sud-Ouest de Séoul. La vie y est extrêmement difficile. La présence de tout étranger, et à plus forte raison d’un prêtre, est interdite par la loi. A tour de rôle, les différents postes reçoivent le missionnaire, qui entend et baptise les catéchumènes, administre les sacrements, s’entretient avec les uns et les autres. Les déplacements se font la nuit, en allant de famille en famille.
La persécution va resurgir, brutale et violente, en 1866 : il n’y a qu’un an que Louis est arrivé ! Aux raisons religieuses se mêlent des raisons politiques car les grandes puissances européennes essaient de s’implanter en Asie et provoquent des mouvements anti-étrangers. Le 13 octobre 1860, les troupes franco-anglaises s’emparent de Pékin. A la suite de ce qui se passe en Chine, où l’on massacre des Européens, le roi de Corée signe le décret de persécution, fondé sur la loi contre les étrangers. Les arrestations commencent immédiatement. Louis Beaulieu se cache un certain temps dans les montagnes, mais il est dénoncé, arrêté, jugé puis décapité le 8 mars 1866.
Au cours de trois vagues de persécutions, en 1839, 1846 et 1866, c’est environ dix mille chrétiens, sur un total de vingt mille, qui sont morts martyrs. En 1875, un édit royal stoppe les persécutions ; en 1884, la liberté est accordée au catholicisme.
Aujourd’hui, l’Église de Corée manifeste un dynamisme extraordinaire.
C’est une Église fière de son passé et qui veut rester fidèle à l’exemple de ses anciens. D’où un engagement concret des laïcs dans la gestion, l’apostolat et l’action catholique. C’est une Église qui vit courageusement les exigences de l’Évangile dans le domaine politico-social, en particulier par les efforts de la Jeunesse ouvrière chrétienne et du mouvement des agriculteurs chrétiens.
Aujourd’hui en Corée du Sud, il y a cinq millions de catholiques. En dix ans, le nombre de fidèles a augmenté d’un million. Les catholiques représentent près de 11% de la population (49 millions d’habitants). Depuis soixante ans, le nombre des baptêmes d’adultes se maintient autour de 10 000 par an, sans compter environ 25 000 baptêmes d’enfants.
8 octobre 1840 : naissance
1849 : petit séminaire
1857-1860 : Grand Séminaire
1859 : Mort de sa mère
Le Cardinal Donnet refuse le départ de Louis pour le séminaire des Missions Étrangères de Paris
Août 1863 : Le cardinal Donnet donne son autorisation pour un départ immédiat.
21 mai 1864 : Ordination
15 juillet 1864 : Départ depuis Marseille
27 mai 1865 : arrivée clandestine près de Séoul
27 février 1866 : arrestation
4 mars1866 : procès
8 mars 1866 : martyre
Toi que le Seigneur nous a donné comme guide en ces temps de brouillard,
Toi qui, jeune encore, as mis tes pas dans les pas de Jésus
Toi qui, sous le regard de Notre – Dame de Verdelais as cru que tout est possible à celui qui croit,
Toi qui as suivi le Maître de la moisson sans regarder en arrière jusqu’aux extrémités de la terre, en Corée,
Toi qui es allé jusqu’au bout du don de ta vie par le martyr pour annoncer l’Evangile,
Rends les baptisés de Gironde, et plus spécialement les jeunes, attentifs au passage du Seigneur et à ses appels,
Ouvre nos cœurs à la faim d’amour et de vérité des hommes de ce temps.
Réveille en nous le goût du risque d’une vie toute entière donnée pour dire
Jésus-Christ par la consécration religieuse et le ministère sacerdotal.
Délivre-nous de nos peurs, de nos timidités, de nos hésitations.
Garde tous ceux et celles qui sont engagés au Service du Christ dans la fidélité à la parole donnée.
Que par ton intercession, continuent de se lever sur cette terre de Gironde des témoins joyeux et courageux de l’Evangile et que dans toutes les nations le Nom de Jésus soit mieux connu et mieux aimé.
Mgr Marius Maziers (archevêque de Bordeaux de 1968 à 1989)